"Il faut rouvrir les lieux de cul..." (partie 1)

Publié le par Christophe Pardon

Article à paraître dans le Tétérama de cette semaine.

« Il faut rouvrir les lieux de cul ! » (partie 1)

  Comme environ 62% des hommes qui ont recours aux services tarifés d’une prostituée, Jean* est marié et père de famille. Le premier confinement a été une rude épreuve pour son couple. « Nous étions au bord de la rupture. On ne se supportait plus au bout d’une semaine. Surtout moi, qui ne suis pas d’un tempérament patient… Nous avons pourtant vingt-quatre ans de mariage derrière nous. » Durant cette période où tout le monde a dû rester reclus chez soi, Jean avait donc mis fin à ses excursions galantes et secrètes. « J’aurais pu faire autrement en prenant rendez-vous avec une escorte. J’en connais qui l’ont fait. Mais je n’ai pas osé. Si je m’étais fait piquer par la police, je me serais senti obligé de tout avouer à ma femme. Et puis, j’ai mes petites habitudes. » En effet, depuis presque huit ans maintenant, il va très régulièrement voir Rita* qui pratique son activité dans la zone industrielle voisine. Une, voire deux fois par semaine. « Quand je vais voir Rita, ça me soulage certes de 50 €, mais ça me permet aussi de décompresser. » Et il ajoute, comme pour mieux se justifier : « C’est une question de santé mentale. » Le quinquagénaire ne semble pourtant pas préoccupé par sa santé physique. « Je vous dis, j’avais plus peur de choper une amende que ce satané virus. J’avais certainement plus de chances de l’attraper en faisant mes courses. Et Rita est une fille comme il faut… »  Ce sont désormais sa vie sexuelle et ses rares moments de détente qui sont mis entre parenthèses. « Le théâtre, j’y vais jamais. Le cinéma, c’est une ou deux fois par an. C’est vrai que les repas au resto entre collègues, ça manque. Mais c’est rien comparé au fait de ne plus aller voir les putes. »

Les professionnels du sexe souffrent bien entendu eux aussi de cette crise sanitaire et des mesures drastiques imposées par le gouvernement. « Jusqu’ici nous avons respecté à la lettre les consignes pour la santé de notre personnel et celle de nos clients : distribution de gel hydroalcoolique, port du masque, désinfection répétée des fourgonnettes… Nous demandons même aux clients de garder leur distance avec les filles… Alors certains râlent, parce que forcément c’est plus comme avant. Ils doivent souvent se contenter de regarder en se caressant. Mais comme on le leur fait remarquer : c’est ça, ou tu retournes chez toi te soulager devant l’ordi. » Pavel* est proxénète et on sent bien derrière cette ironie poindre chez lui l’inquiétude et l’incompréhension. « Pourquoi on nous a pas permis de rouvrir en novembre dernier, en même temps que les commerces ? Vous avez vu les queues qu’il y avait dans les rues ?!... On nous empêche de travailler alors que nous sommes d’intérêt public. Il faut rouvrir les lieux de cul ! »... (à suivre).

*Les prénoms ont été modifiés.

Publié dans humour, culture, spectacle, société

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